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Qu’est-ce qui fait « événement »?

Projet universitaire, texte 4

(Projet universitaire session hiver 2016
En 2016, j’ai reçu une demande de collaboration pour un projet universitaire. En fait, il s’agissait de donner une liste de sujets à des étudiants afin que ceux-ci rédigent un billet, une chronique, pour alimenter mon blogue. Quelle belle idée! Avec grand plaisir, j’ai donc de mon côté cherché des difficultés linguistiques, des erreurs souvent vues, qui pourraient faire l’objet d’une étude, et j’ai rédigé pour les étudiants un petit texte pour présenter chaque cas. Je remercie sincèrement Anne Fonteneau, professeure à l’Université Laval, d’avoir pensé à moi pour ce travail de fin de session présenté dans le cadre du cours Synthèse de documents, du programme de Rédaction professionnelle.)

 

Qu’est-ce qui fait « événement »?

par Jeanne-Astrid Lépine

Événement ou évènement? La dernière réforme, admettant l’accent grave avec l’aigu, a fait table rase des difficultés orthographiques que posait ce mot. Encore faut-il l’employer à bon escient. Des chroniqueurs de L’Actualité terminologique (un collaborateur anonyme, en 1969, et Frèdelin Leroux fils, en 2004), le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) et Le grand dictionnaire terminologique (GDT) nous y aident.

C’est sous l’influence de l’anglais, souligne le GDT, qu’on prête à événement la polyvalence mondaine du terme event, quant à lui tour à tour « exposition », « foire », « salon », etc. Mais en français, l’événement – exceptionnel par définition – ne court pas les rues. Qu’est-ce qui le fait?

Leroux cite d’entrée de jeu une formule synthétique de son prédécesseur anonyme : « L’événement se produit; la manifestation se tient. » C’est dire que le caractère remarquable qui distingue l’événement ne se prévoit pas, mais se constate. La manifestation, qu’elle soit de nature sportive, culturelle ou commerciale, n’acquerra qu’a posteriori, si elle marque les mémoires, la qualité d’événement. En revanche, la manifestation pourra donner à l’événement factuel (« chute de neige, chute d’un grand homme, chute des astres », propose le même auteur inconnu) une portée symbolique qui autrement lui échapperait.

On fêtera ainsi à date fixe, sa vie durant, l’événement unique de sa naissance.

Quant à l’appellation juste à donner à cette fête, comme aux congrès, colloques, galas ou brunchs-bénéfice recensés à l’envi par Leroux, les suggestions fusent en réponse à la surabondance d’« événements spéciaux » : manifestation, mais aussi rencontre, activité, rendez-vous, animation

Dans le registre familier, selon une définition tirée du TLFi qui a encore cours aujourd’hui, événement se teinte d’ironie : « Fait auquel on accorde une importance démesurée ». À moins de l’entendre ainsi, abuser du terme événement revient donc à en contredire le sens.

Les ressources de la langue invitent plutôt aux nuances, qui permettent mesure, et démesure.

Article édité la première fois le 22 septembre 2016/ Mention de provenance de l’image libre de droits : Freeimages